51 ans après l’installation du premier distributeur de billets, la monnaie fiduciaire fait grise mine. L’utilisation du cash dans les transactions ne cesse de reculer, particulièrement en France ou en Grande-Bretagne, au profit du paiement sans contact, indique l’économiste Philippe Crevel.
Fin du cash : les billets vont-ils disparaître ?
"On peut tout à fait imaginer la fin de la monnaie numéraire, c'est-à-dire des billets et des pièces, dans nos sociétés occidentales. Certains pays se sont d’ailleurs déjà engagés dans cette direction, notamment dans le nord de l’Europe. C’est le cas de la Suède, qui a toujours été très à la pointe en matière d’activités bancaires. Chez eux, de plus en plus d’établissements refusent d’être réglés en cash", souligne l’économiste et directeur du Cercle de l’épargne.
Selon lui, la "fin du cash" finira effectivement par arriver, aussi en France. "Pour certains pays, ce sera une révolution plus que pour d’autres. C’est particulièrement vrai pour l’Allemagne qui dépend encore beaucoup de la monnaie numéraire dans ses transactions.
En France, la très grande majorité des transactions impliquent l’utilisation d’une carte bancaire (49% en 2016)", explique-t-il. Le prélèvement est le deuxième instrument de paiement le plus utilisé par les Français (18%) et le virement est leur outil préféré quand il s’agit de payer des montants élevés (salaires, pensions, paiement interentreprises, entre autres). Il représente 88% du montant total des transactions pour 17% du nombre d’opération, précise le site d’informations économique Lorello Ecodata. Le chèque, en revanche, connait un déclin irrémédiable, tant en valeur qu’en nombre d’opérations. "Dans beaucoup de pays d’Europe et du monde, il a été purement et simplement supprimé."
Est-ce à dire que dès demain, vous ne pourrez plus payer avec vos pièces sonnantes et trébuchantes ? Pas exactement. Si ce bouleversement ne saurait trop tarder, il reste tout de même un peu de temps. "La monnaie fiduciaire ne devrait pas disparaître avant au moins 15 ans", estime Philippe Crevel. "Elle laissera sans doute sa place à une généralisation considérable du paiement par smartphone. En France, elle n’est de toute façon utilisée que pour les petits achats du quotidien", poursuit-il.
Fin du cash : la fraude va-t-elle y survivre ?
"L’un des objectifs principaux de la fin de la monnaie numéraire c’est la lutte contre la fraude", souligne le directeur du cercle de l’Epargne. Pourtant, il est formel : la fin du cash ne rimera pas nécessairement avec la fin des fraudes. "En pratique, les malfrats, le crime organisé, et autres réseaux mafieux ont déjà envahi le monde de l’argent numérique."
En cas de besoin, estime Philippe Crevel, "le voyou va se mettre à la page et trouvera des moyens de contourner les nouvelles sécurisations". Parmi lesquels, l’utilisation du bitcoin pour des transactions qui auront lieu sur le dark web, par exemple. "De nouvelles formes de délinquance vont mécaniquement se développer", affirme le spécialiste.
Et ce n’est pas le seul souci que pourrait engendrer la disparition définitive des coupures et des pièces. "C’est une mutation qui n’a rien d’anodin, au contraire. Cela fait des millénaires que nous échangeons à l’aide de la monnaie fiduciaire, il est logique et légitime d’être perturbé par un changement de ce type. D’autant qu’il y aura probablement des problématiques d’accès, au compte ou via le smartphone par exemple", insiste l’économiste qui se veut néanmoins rassurant.
"Nous avons appris à faire confiance aux billets, il en sera certainement de même ici. La fraude ne va certes pas disparaître mais elle sera probablement moins évidente."
Source: www.planet.fr