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Donner plus de sens à sa vie : une illusion ?

Être plus heureux, s’accomplir, vivre sa vocation… Autant de dimensions de la quête existentielle contemporaine, et autant de leurres possibles. Car se façonner un destin à sa mesure exige de soi lucidité… et humilité.


« Au-delà du désir de rester en vie, au-delà de la recherche des plaisirs, l’homme est animé par une force tout aussi puissante qui le pousse à s’accomplir, à donner du sens à son existence et à rencontrer plus pleinement la vie. Car vivre ne lui suffit pas, il veut avoir le sentiment de bien vivre », écrit le philosophe Reza Moghaddassi, posant ce qui est sans doute l’aspiration la mieux partagée.


« Nous sommes nombreux à éprouver le sentiment que nous sommes loin du compte, que nous ne sommes pas pleinement ce que nous sommes appelés à être, que nous ne donnons pas tout ce que nous avons à donner, ni ne recevons ce que nous pouvons recevoir », poursuit-il avant de nommer ce qui explique notre frustration et notre insatisfaction : notre soif d’essentiel.


Une soif qui, pour lui, revient à évoquer la quête de sens contemporaine, « précisément parce qu’elle est un refus de céder à l’absurdité d’une vie mécanique désertée par l’esprit ».


La liberté de l’homme occidental moderne est aussi vertigineuse qu’angoissante, rappelle le psychanalyste Gérard Bonnet.


« Car avec la liberté vient la responsabilité, précise-t-il. Contrairement à nos pères qui suivaient un chemin tracé, nous sommes aujourd’hui renvoyés à nous-mêmes. Les bénéfices de cette liberté sont l’autonomie qu’elle procure, donc le sentiment d’échapper à la prédétermination, mais la contrepartie n’est pas moindre. Vivre sa vie exige désormais que l’on creuse au plus profond en soi pour trouver son désir, son idéal, pour ensuite choisir tout ce qui va les nourrir et les satisfaire. Il y a de plus en plus de gens entre 30 et 40 ans qui remettent tout en question, veulent tout lâcher, leur couple, leur travail, car ils ont le sentiment de passer à côté de leur existence. »


Dépasser l’illusion du “tout possible”

Reza Moghaddassi voit dans ce malaise un reflet de l’époque.


Si aujourd’hui l’individu a l’impression de passer à côté de sa vie, c’est parce qu’il se dit qu’il aurait dû être ailleurs, qu’il aurait dû faire ou avoir autre chose, en oubliant l’essentiel, qui est sa qualité d’être où qu’il soit, expose-t-il.


Ce sentiment de ratage est ancré dans une théorie de la liberté totalement vide qui abîme notre époque, car elle est comprise presque exclusivement comme le fait d’avoir le maximum de choix (je fais ce que je veux quand je veux, avec qui je veux, où je veux…).


Or, vivre c’est, bon gré mal gré, décider, prendre un chemin […], renoncer à l’infini des possibles pour en explorer un seul.


comme l’individu voudrait avoir plusieurs vies ou demeurer dans la toute-puissance du choix, il finit par se sentir étouffé, car ses choix l’ont conduit à renoncer à d’autres voies.


Il a le sentiment de s’enfermer dans un possible, nostalgique du moment où tout l’était, ou continue à loucher sur les autres possibles. »


Pour tenter de mener une existence qui nous procure du sens et du plaisir, il nous faut donc tout à la fois tourner le dos aux chimères des virtualités, à l’attente de la grande révélation – en acceptant, comme le poète Fernando Pessoa, l’idée que nous n’avons peut-être reçu aucune mission sur terre – et revenir à notre histoire personnelle.


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