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3,5 millions de Français à l'étranger

Le nombre de Français de l’étranger a toujours fait débat. Le journal des Français à l'étranger publie sa nouvelle cartographie.


Carte des français de l'étranger

La Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE) estimait avant la crise sanitaire à 2,5 millions de personnes les Français résidant à l’étranger. Cette estimation se basait sur le nombre d’inscrits au registre consulaire, 1 775 875 Français à l’étranger, d’après le dernier décret de janvier 2020, auquel la DFAE ajoutait un peu moins de 800 000 personnes non-inscrites.


Fin mars, le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a finalement désavoué ce chiffre et a officiellement comptabilisé un million de Français à l’étranger supplémentaires, soit 3,5 millions. Le Quai d’Orsay choisit ainsi, après plusieurs mois de débat, de prendre en compte le nombre présenté par le Journal des Français à l’étranger qui s’appuyait sur les estimations de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Jean-Pierre Pont, directeur de la publication du Journal des Français à l’étranger, revient sur ces chiffres.


Fin mars, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a reconnu que le nombre de Français établis à l’étranger s’élevait à 3,5 millions de personnes, comme vous l’avancez depuis des années. Le site diplomatie.gouv.fr continue pourtant d’inscrire sa précédente estimation de 2,5 millions. Pourriez-vous revenir sur l’historique de cette estimation ?



J’ai racheté en juin 1997 le premier magazine dédié aux Français de l’étranger, créé en 1990. Le ministère des Affaires étrangères annonçait alors une population de 1,6 million de Français résidant hors de nos frontières.


À l’époque, la DFAE (Direction des Français à l’étranger et de l’Administration consulaire) publiait des chiffres pays par pays. Les consulats donnaient le nombre d’inscrits et des estimations des non-inscrits, avec l’appui d’un statisticien de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques). La carte des Français dans le monde était alors éditée sous format papier, les premières cartes servant de calendrier. C’était un outil de travail qui permettait d’un côté de visualiser la présence des Français dans le monde et d’un autre d’en observer la croissance. Mais la collecte des informations s’est ensuite compliquée en 2007 avec le départ du statisticien de l’Insee de la DFAE. Nous avons, pour notre part, décidé de continuer d’évaluer par nos propres moyens le nombre de Français dans le monde.


À partir de 2013, nous avons d’ailleurs pu de nouveau nous appuyer sur l’Insee pour publier cette évaluation. En complément de l’Insee, l’OCDE dispose également d’une base de données fondées sur les recensements des populations des 35 plus grands pays du monde.


En 2004, le ministère des Affaires étrangères (MAE) dénombrait environ 1,3 millions de Français inscrits, pour un total de 2,2 millions de Français à l’étranger en incluant les non-inscrits. Si nous prenons les chiffres présentés actuellement par la DFAE, la population aurait seulement augmenté de 300 000 personnes entre 2004 et 2020, ce qui est peu vraisemblable. Ces données ne sont donc plus fiables. Ceci est lié au fait que le ministère des Affaires étrangères ne travaille plus avec l’Insee. Le nombre de Français de l’étranger est ainsi aujourd’hui sous-évalué. Les parlementaires ont été les premiers à nous faire confiance.


Le président de la République Emmanuel Macron m’avait également confié, lorsque je me suis entretenu avec lui à Saint- Louis au Sénégal le 3 février 2018, qu’il prenait en compte l’estimation de l’Insee de 2013, comprise entre 3,3 et 3,5 millions, pour estimer le nombre de personnes résidant à l’étranger.


Quels sont les véritables enjeux derrière la reconnaissance officielle de cette estimation de l’Insee ?


La population des Français de l’étranger est plus importante que celle des départements et territoires d’Outremer de 2,7 millions de personnes. Or, il existe aujourd’hui une ministre des Outre-mer. Le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoine, est quant à lui chargé des Français de l’étranger, mais aussi du tourisme, du commerce extérieur et de la francophonie, soit quatre portefeuilles.


Les Français de l’étranger se voient donc seulement accorder la disponibilité d’un quart de secrétariat d’État et de sa petite équipe ! Parmi les différents secrétaires d’État des Français à l’étranger qui se sont succédé, seule l’actuelle vice-présidente du Sénat, Hélène Conway-Mouret, a été ministre à plein temps des Français de l’étranger sous François Hollande. Pour mémoire, à l’époque du président Nicolas Sarkozy, celui- ci avait également un conseiller chargé des Français de l’étranger à ses côtés à l’Élysée. Il faudrait qu’il y ait de nouveau un ministère ou un secrétariat d’État intégralement consacré aux Français de l’étranger.



Au fil des parutions de la carte, avez-vous identifié des tendances démographiques ?


En 2013, 197 000 personnes nées en France ont quitté le pays contre 138 000 en 2006 (source : CCI Paris Île-de-France). La progression annuelle a toujours été entre 3 et 6 %. D’après l’Insee, la communauté de Français établis hors de France connaît une croissance significative depuis le début des années 2000. Les principaux pays accueillant ces Français sont par ordre d’importance le Royaume-Uni, les États-Unis, la Belgique, la Suisse, le Canada, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, Israël et le Maroc.


Il y a aussi la question des inscrits au registre des Français qui a évolué. Si le nombre de Français dans le monde est passé de 2,2 millions en 2004 à 3,5 millions aujourd’hui, ce n’est pas seulement dû à l’augmentation de la population française résidant à l’étranger, mais aussi au fait qu’il y a plus d’inscriptions. Être inscrit permet de faire des démarches administratives (délivrance de passeports ou de cartes d’identité). Cela donne aussi la possibilité, pour ceux qui sont sujets à des problèmes financiers, d’obtenir des bourses scolaires ou des allocations de solidarité.


Dans tous les pays à environnement sensible, les Français ont intérêt à s’inscrire au consulat, aussi bien pour les prestations que pour leur sécurité. Les années 2000 ont par ailleurs été marquées par de nombreux événements – le 11-Septembre aux États-Unis, les évacuations de Côte d’Ivoire, du Congo, du Liban ou les attentats de Bruxelles. A chaque fois qu’un événement de ce type s’est produit, il y a eu une augmentation sensible des inscriptions. Avec la crise sanitaire de 2020, le nombre d’inscriptions sur les registres des Français à l’étranger risque d’ailleurs d’évoluer fortement, en particulier pour les Français résidant hors de l’Union européenne (UE).


La population des Français de l’étranger a aussi changé. Beaucoup considèrent toujours les Français de l’étranger comme uniquement des "expatriés". Mais les expatriés sont les personnes qui partent généralement hors d’Europe avec un contrat d’une entreprise internationale. Aujourd’hui, ces expatriés sont proportionnellement beaucoup moins nombreux qu’en 1997 quand nous avons commencé à éditer le magazine et ils représentent aujourd’hui moins de 10% de la population.


Quel regard portez vous sur l’aide accordée aux Français de l’étranger pendant la crise sanitaire liée au coronavirus ?


Jean-Yves Le Drian et le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, ont annoncé des aides conséquentes de 220 millions d’euros. C’est une première pour nos compatriotes. Mais des questions restent en suspens : aurons-nous des tableaux de bord pour vérifier quand et comment cet argent sera dépensé, consulat par consulat, et pour quels résultats ?


Pensez-vous que la crise va avoir un impact sur la mobilité des Français ?


Oui, je pense qu’après la crise les Français vont chercher la sécurité et donc se focaliser sur l’Europe. Dans l’Union européenne, les Français peuvent circuler librement, transposer leurs droits de chômage, percevoir des retraites de plusieurs pays de l’UE, bénéficier d’une carte européenne d’assurance-maladie, du programme Erasmus+, du réseau Eures de l’emploi… Tout ceci représente des atouts extraordinaires.



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