Selon le ministère de l’Intérieur, un million de cartes d’identité qui auraient dû être renouvelées en 2021 ne l’ont pas été, créant un embouteillage en ce début d’année.
Les deux années d’épidémie de coronavirus auront laissé des séquelles dans de nombreux domaines. Si l’on pense d’abord à l’économie, le tourisme ou la santé, l’administration française a, elle aussi, été fortement perturbée. Un exemple parmi d'autres : depuis près d’un an, les demandes de renouvellement de passeports et de cartes d’identité ont explosé, entraînant un net allongement du délai classique.
Pour Ghislain, dont le passeport est arrivé à expiration à la rentrée 2021, huit mois seront nécessaires pour récupérer le précieux sésame : « J’ai eu un rendez-vous plus de trois mois de demi après ma première demande à la mairie de Vincennes mais, en raison d’un document manquant, ils n’ont pas pu me le faire. Entre-temps, j’ai déménagé à Annecy. J’ai donc recommencé la procédure à zéro, et maintenant on m’annonce plus de cinq mois d’attente pour avoir un rendez-vous », explique le trentenaire qui a dû annuler à deux reprises un séjour au Royaume-Uni, où la carte d’identité n’est plus acceptée depuis le Brexit.
Un pic traditionnel
Pour Anne-Gaëlle Baudouin, la directrice de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), l'organisme rattaché du ministère de l'Intérieur qui délivre les documents d’identités, le cas de Ghislain est assez exceptionnel. Mais elle reconnaît un allongement des délais ces derniers mois. Actuellement, « il faut compter en moyenne 27 jours pour obtenir un rendez-vous en mairie – contre 11,5 jours en mars 2021– puis 25 jours entre la demande et la récupération de la carte d’identité, 23 pour un passeport », explique-t-elle à 20 Minutes, précisant que ces délais varient en fonction des territoires : « C’est souvent plus long dans les territoires urbains et périurbains. »
« Tous les ans, on a un pic de demandes en mars, poursuit Anne-Gaëlle Baudouin. Les gens anticipent les vacances et les examens qui nécessitent une pièce d’identité valide. C’est traditionnellement une période de forte activité. » Et cette année, il faut y ajouter la reprise des voyages – les Etats-Unis n'ont, par exemple, rouvert leurs frontières qu'en novembre dernier. Après deux ans de restrictions et de fermeture des frontières, les Français ont envie d’évasion : « Avec ces deux facteurs compilés, les demandes ont explosé », ajoute la directrice de l’ANTS.
La crise pointée du doigt
Et le principal responsable, c’est bien le Covid-19. « Dans les mairies, il y a eu des agents absents, parce qu’ils avaient contracté le coronavirus, d’autres qui devaient garder leurs enfants à la maison, et un protocole sanitaire contraignant qui a ralenti le rythme », justifie Anne-Gaëlle Baudouin.
D’autre part, de nombreux Français ont retardé le renouvellement de leurs documents d’identité, « soit en raison du confinement, soit parce qu’ils ne savaient pas que les mairies sont restées ouvertes pendant toute cette période », ajoute-t-elle. « A cause de l’épidémie de coronavirus et du confinement, nous avons constaté un effondrement de la demande des titres, avec 39 % de demandes en moins pour les passeports et 18 % pour les cartes d’identité. » « Et le rattrapage, on l’observe maintenant, d’où l’embouteillage actuel. »
On peut pointer du doigt la crise sanitaire, mais d’autres facteurs entrent en compte, et notamment le prolongement de la durée de validité de la carte d’identité, qui est passée de dix à quinze ans en 2014 : « Pour certaines personnes, la fin de ce report arrive maintenant, pour d’autres, elles anticipent », analyse Anne-Gaëlle Baudouin. Et puis il y a la nouvelle carte d’identité, disponible depuis août 2021, visiblement plébiscitée par les Français : « Il y a un effet d’attractivité, d’engouement. Elle est plus pratique, plus esthétique, plus sécurisée, certains souhaitent l’avoir dès maintenant », poursuit-elle.
Cette dernière ne sera obligatoire qu’en 2031, mais il est possible de la demander plus tôt en cas de perte ou de vol de l’actuelle carte, ou d’un déménagement.
Le retour à la normale se fera attendre
L'embouteillage est tel que le député Jean-Luc Warsmann (UDI et Indépendants), a directement interpellé le gouvernement dans une question écrite publiée à la mi-mars. L’élu réclame « un plan de remise à niveau et de rattrapage du retard ». « Il faut faire un état des lieux sur l’ensemble du territoire et créer une sorte d’indicateur national qui permettrait d’identifier là où ça coince, et comment on rattrape ça », explique l'élu des Ardennes à 20 Minutes.
Sans attendre, certaines villes ont pris les choses en main. C’est le cas de Paris, qui a étalé le calendrier de rendez-vous sur dix semaines, au lieu de six auparavant, indique la mairie à 20 Minutes. Des permanences supplémentaires ont été mises en place, un samedi par mois, pour dégager « 10.000 créneaux supplémentaires d’ici le début de l’été », ajoute la mairie.
De son côté, le ministère de l’Intérieur a renforcé les dispositifs de recueil, c’est-à-dire les ordinateurs sur lesquels sont enregistrées les demandes de carte d’identité et de passeports, avec une centaine de plus en 2021.
Pour ceux qui ne pourraient pas attendre, Anne-Gaëlle Baudouin conseille d’abord d’effectuer une prédemande sur le site de l’ANTS : « Ça permet aux mairies d’aller plus vite, donc ça libère du temps, c’est gagnant-gagnant. » Et si vous êtes très pressés, il est toujours possible de déposer une demande dans une autre commune que la vôtre, où les délais seraient moins longs. Car le retour à la normale n’est pas prévu pour tout de suite, selon l’ANTS : « L’honnêteté m’oblige à dire qu’on va rester sur une forte demande au moins jusqu’à l’été. L’effet de rattrapage est important : il y a un million de cartes d’identité qui n’ont pas été délivrées en 2021 sur ce qui était prévu », reconnaît Anne-Gaëlle Baudouin.
Source: www.20minutes.fr
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