Annie Cordy était née sous le signe des Gémeaux. Rien de plus naturel pour celle qui, tout au long de sa vie, a réussi à exploiter, grâce à une carrière polyvalente, toutes les facettes de sa personnalité. Elle est décédée à l'âge de 92 ans dans cette charmante ville de Vallauris dans le Sud de la France.
Fantasque sans être ridicule, légère sans être superficielle, touche à tout mais toujours professionnelle, Annie Cordy était son extrême et l'inverse. Une carrière menée tambour battant jusqu'au bout.
Si son interprétation admirable dans un film belge de 1976, Rue haute, une tragédie dans laquelle elle interprétait un personnage aigri et vieilli, fut saluée de toutes parts, c'est plutôt sa gaieté et son entrain qui viennent à l'esprit quand on évoque le nom d'Annie Cordy. Et avec plus de 500 chansons à son actif, le répertoire de l'ancienne meneuse de revues a de quoi réjouir les plus sinistres !
Du fameux Tata Yoyo à La bonne du curé en passant par Cho Ka Ka O, Frida Oum Pa pa ou Six roses, la chanteuse d'origine belge, née en 1928, a accumulé les tubes et obtenu dix Disques d'or sur l'ensemble de sa carrière. Avec, comme devise, "la passion fait la force" et comme emblème, le sourire, qu'elle a arboré tout au long de sa vie.
Son naturel joyeux trouve très tôt son épanouissement dans la danse, qu'elle maîtrise au point d'être recrutée, à l'âge de 18 ans, dans une revue de Bruxelles, où elle se produit avant d'être repérée par le directeur artistique du Lido, à Paris. Il l'embauche immédiatement et Annie Cordy, ou plutôt Léonie Cooreman, part le 1er mai 1950 pour Paris où elle rencontre très rapidement le succès.
Touche à tout
Meneuse de revues au Lido, au Moulin Rouge, à l'ABC, Annie se prend de passion pour l'opérette. Mais avant de se prendre à ce jeu-là, elle suit, à l'été 1952, le Tour de France. À la vue de l'accueil qui lui est réservé, elle se rend compte de sa popularité grandissante.
De retour à Paris, Bourvil et Georges Guétary la lancent sur la scène de l'opérette La route fleurie, qui restera à l'affiche trois ans. Non contente d'être la Belge la plus aimée des Français, Annie se lance dans la chanson et dans le cinéma – sa première apparition sur les écrans remonte à 1953, quand elle joue dans Si Versailles m'était conté, sous la direction de Sacha Guitry.
La gaieté avec laquelle elle mène de main de maître ses différentes carrières n'a d'égale que son professionnalisme. Invitée à chanter à l'occasion du mariage de Grace Kelly avec le prince Rainier de Monaco, engagée pour jouer dans Le chanteur de Mexico, où elle retrouve Bourvil et rencontre Luis Mariano, acclamée dans les plus grandes salles françaises – elle fera son premier Olympia en 1954 et y retournera douze fois –, Annie met un point d'honneur à faire son travail dans les règles de l'art. Lorsque son mari et producteur, Henri Bruneau, décède le 9 février 1989, elle restera fidèle à elle-même et n'annulera aucune de ses représentations.
Voyages
Dans les années 1950, l'appel du grand large se fait sentir et Annie Cordy, dont la célébrité en France est acquise, part voir ailleurs ce qu'elle peut y trouver. Après une grande tournée africaine en 1953, c'est sur le continent américain qu'Annie débarque. Rio de Janeiro, Mexico, Cuba, New York, Porto Rico, Montréal, Toronto… Plus tard, elle traversera également l'Europe, ira en Russie. Au total, Annie aura présenté plus de 5000 galas à travers le monde.
Ces voyages l'inspirent pour ses opérettes : en février 1965, elle crée "Nini La Chance", une comédie musicale racontant l'histoire d'une infirmière française aux États-Unis. Son imagination est sans limites, comme les Parisiens le constatent la même année avec le show Annie Cordy en deux actes et trente-deux tableaux – un travail de titan puisque musiques, mise en scène et costumes diffèrent à chaque saynète, mais qu'elle accomplit avec la même rigueur pleine d'entrain qui la caractérise.
Populaire
Elle réussit à faire oublier son côté "rigolo" par le biais de chansons plus graves, comme Oh Bessie, en hommage à la chanteuse de jazz Bessie Smith, qui sera récompensée par le Prix de l'Académie Charles-Cros. Le cinéma lui laissera également la chance de dévoiler son jeu d'actrice dramatique : en 1969, elle tourne Le passager de la pluie, réalisé par René Clément, puis Le Chat, aux côtés de Jean Gabin et Simone Signoret.
Annie Cordy est une artiste populaire et plébiscitée : "Prix triomphe de la fantaisie", "Prix triomphe révélation comédienne", "Prix Triomphe comédie musicale" pour Hello Dolly, le spectacle mettant en scène l'un des personnages les plus célèbres de sa carrière, "Bravo du Music-Hall"… sous son grand chapeau, Tata Yoyo accumule les trophées !
Au théâtre, avec Madame Sans-gêne, La mienne s'appelait Régine, puis à la télévision où elle reprend L'Avare de Molière et où elle joue dans la série Madame SOS, le sourire d'Annie s'affiche sur toutes les scènes, tous les écrans. Une carrière phénoménale qui ne ralentit pas les années passant. Dans les années 2010, elle retrouve même le chemin des studios d'enregistrement, tout en continuant à tourner pour la télé et le cinéma.
Quand le roi des Belges décide de lui conférer le titre de baronne en 2004, Annie Cordy, refusant comme d'habitude de se prendre au sérieux, écrit à Albert II que malgré toute son émotion et sa fierté, elle restera la Baronne la plus discrète de Belgique. De tous les honneurs et les décorations, un, peut-être, caractérise le mieux cette grande dame à la carrière exemplaire et qui, même avant sa disparition, n'a jamais eu de son âge que quelques rides : le Prix du Sourire !
Les obsèques d'Annie Cordy seront célébrées samedi 12 septembre à Cannes, au cimetière Abadie, a annoncé à l'AFP Michèle Lebon, sa nièce. Elle sera inhumée dans le caveau familial. Il n'y aura pas de célébration religieuse, et, selon les possibilités de distanciation, une cérémonie sera organisée avant l'inhumation.
Source: www.rfi.fr
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