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Guerre en Ukraine : « C’est extrêmement complexe de dire " Je pars et je laisse tout" »

… Les expats français espèrent rester en Russie. Plusieurs Français vivant depuis des années en Russie, souvent mariés avec des Russes, racontent que malgré les recommandations de Paris, ils veulent rester là-bas.


« On risque de pouvoir survivre », synthétise David, un Français installé à Penza, une ville à 640 km à l’est de Moscou. Une phrase qui résume bien le mélange d’inquiétude et d’optimisme de ce quadra vivant en Russie depuis dix ans.



En couple depuis dix-neuf ans avec une femme russe, père de deux filles qui ont la double nationalité, il envisage un retour en France uniquement comme une ultime option. Si la France a recommandé jeudi matin à tous les expatriés en Russie de plier bagage, sachant qu'il n'y a plus aucun vol​, aucun des internautes qui se sont confiés à 20 Minutes n’a prévu de quitter son pays d’adoption.


« C’est mon tour de leur rendre ce qu’ils m’ont donné »


David ne suit pas moins avec attention chaque prise de parole d’Emmanuel Macron. Car il n’est pas marié avec sa compagne, qui n’a donc pas la nationalité française. Il craint donc que le président français n’annonce la fin des visas pour les Russes. Car la Russie risquerait de rétorquer de la même manière. David dispose d’un visa permanent à la fois professionnel et familial sans limite, appelé « RVP ». « Mais ça reste un visa, donc supprimable », souffle-t-il. D’autant qu’il y a eu un précédent pour lui. « Lors du premier confinement, en mars 2020, la Russie a fermé les frontières aux "RVP", ils ont fait un amalgame. » David était alors en France, coincé. Les autorités russes ont levé l’interdiction en seulement deux semaines. Mais il n’y avait alors plus d’avion.



« J’ai dû passer trois mois en France. J’ai traversé la frontière finlandaise à vélo pour rentrer chez moi en juin. » Alors David a développé des réflexes. « Toutes ces bêtises-là, je les revis aujourd’hui avec ce qui se passe. De manière quasi naturelle, je me suis dit que [si on devait partir], on passerait par Dubaï ou Ankara pour rentrer en France. » Car David a été prévoyant : il a gardé un pied à terre en banlieue parisienne. « Mais soyons réalistes, pour voyager jusqu’en France à 4, il faut entre 5.000 et 6.000 euros… C’est extrêmement complexe de dire : "je pars et je laisse tout". »


Environ 5.000 expats présents sur place


Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un point de chute hors de Russie. « Venir en France reviendrait à vivre à la rue avec mes 4 enfants. Je n’ai pas de travail, pas de logement », résume Marie, 35 ans, professeure de français près de Krasnoe Selo, au sud de Saint-Pétersbourg, en couple avec un Russe. Contacté par 20 Minutes, le quai d’Orsay indique qu'« actuellement, on dénombre en Russie environ 5.000 résidents français ».


Comme Alain, 54 ans, qui réside en Russie depuis vingt ans. « Je n’envisage aucunement de quitter la Russie sauf à y être obligé par des raisons administratives. Et je considère que mon épouse, qui est Russe, ne serait pas en sécurité en France dans le climat de paranoïa et de russophobie actuel. »


Pour François aussi, son pays de cœur, c’est la Russie. « Ma vie est ici, explique ce quinqua marié à une Russe. Mes affaires prospèrent ici, et il est hors de question de laisser tomber le peuple russe qui m’a tant apporté pendant toutes années au moment où ils ont besoin de solidarité. C’est mon tour de leur rendre ce qu’ils m’ont donné. Contrairement à ce que je vois en France, ici les gens ne sont pas agressifs envers les étrangers. »


« Tous mes projets étant entre ces deux mondes, pour moi, c’est fini »


Certains se demandent néanmoins comment joindre les deux bouts. La compagne russe de David pilote une société de hotline de 500 salariés, lui s’occupe du côté marketing et commerce et voyageait beaucoup en Europe.


« Tous mes projets étant entre ces deux mondes, pour moi c’est fini, reconnaît-il. Pour la société, on a 60 % du chiffre d’affaires réalisé auprès de sociétés étrangères, mais sur le marché local. Notre business ne devrait pas être trop impacté. » Comme pour beaucoup d’autres Français. D’ailleurs, David a fait le tour des enseignes près de chez lui ce vendredi matin : si Décathlon et Leroy-Merlin ne présentent pas de rayons vides, BMW a fermé. Il a aussi vu des amis allemands quitter le pays du jour au lendemain, craignant pour leur avenir. « Soyons clairs, il n’y a pas de répression physique ou d’insécurité. »



Les sanctions, « pour le moment, c’est transparent ! »


La guerre en Ukraine semble davantage impacter le moral des Russes que leur portefeuille. « Depuis une semaine, les gens sont plutôt tristes, constate Marie. Beaucoup ont de la famille, des amis et des connaissances en Ukraine. »


Mais côté vie pratique, il n’y a pas de pénurie. « Les sanctions se font sentir sur les produits d’importations, mais après les sanctions de 2014 [suite à l’annexion de la Crimée] , la Russie a financé les entreprises et a aidé les PME pour qu’elles produisent russe, reprend-elle. Beaucoup de choses qui étaient importées en 2014 sont maintenant produites dans le pays. Les sanctions sont peut-être fortes, mais sur le panier moyen du Russe, ça ne se ressent pas trop. »


« Dans trois boutiques, à part pour les croquettes pour chien, dont le prix a doublé, pour le moment, c’est transparent !, renchérit David. Le prix d’1 kg de patates est le même. Mais on est qu’au 8e jour de conflit ! » Il reconnaît tout de même une « course à l’électroménager. La classe moyenne a anticipé certains achats d’équipement, avant que ça ne soit trop cher. Je connais une personne qui a acheté deux machines à laver. Une autre a acheté une deuxième voiture… » Ce qui le rassure, c’est que la Russie est relativement autonome… « Pas sur l’industrie, c’est vrai. Mais on a le minimum vital : électricité, pétrole, nourriture. »


Les prix risquent tout de même une envolée si la guerre dure. Alors David imagine le système D auquel les Russes sont habitués. Du moins une partie. « J’ai expliqué à ma fille de 10 ans que vu ce qui se prépare, on risquait de revenir à une économie du troc. Elle m’a demandé : "C’est quoi ?" ».


Source: www.20minutes.fr

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