Lien juridique entre un État et un individu, la nationalité est régulièrement considérée, en France, comme un élément de la politique de l’immigration puisque l’acquisition de la nationalité française par les populations immigrées est censée figurer l’aboutissement d’une intégration réussie.
De 1945 aux années 1980, le droit de la nationalité reste stable et les principes qui régissent l’accès à la nationalité française font l’objet d’un relatif consensus.
À partir des années 1980, le thème de l’immigration est de plus en plus présent dans le débat politique, l’immigration étant notamment accusée de mettre en péril l’identité nationale. L’ordonnance de 1945 sur la nationalité est ainsi mise en cause au prétexte que des étrangers non intégrés ou ne se sentant pas français peuvent acquérir la nationalité française et parfois même sans le savoir.
Une tentative de réforme échoue en 1987 mais le droit de la nationalité est modifié en 1993, puis en 1998, en 2003, en 2006, puis de nouveau en 2011.
Les évolutions du droit de la nationalité
Selon l’ordonnance du 19 octobre 1945, modifiée par la loi de 1973, la nationalité française se transmet par la filiation paternelle ou maternelle, légitime ou naturelle. Elle résulte aussi de la naissance en France :
un enfant est reconnu français dès la naissance si l’un de ses parents est lui-même né en France (c’est le double droit du sol) ;
un enfant né en France de parents nés à l’étranger est reconnu français à sa majorité.
L’enfant né en France peut aussi acquérir la nationalité française par simple déclaration au cours de sa minorité. Le mariage ne produit pas d’effet automatique sur la nationalité : l’étranger qui épouse un ressortissant français peut néanmoins acquérir la nationalité française par déclaration après six mois de mariage. En outre, l’acquisition de la nationalité française n’est pas subordonnée à la renonciation à la nationalité étrangère.
En 1987, après le rejet d’un projet de réforme du droit de la nationalité, le gouvernement de Jacques Chirac installe une commission de réflexion sur la nationalité, présidée par Marceau Long. Ses principales propositions sont reprises dans la loi du 22 juillet 1993.
La loi du 22 juillet 1993 réforme le droit de la nationalité avec une mesure principale : les enfants nés en France de parents étrangers doivent demander la nationalité française entre 16 et 21 ans, son acquisition n’est plus automatique à la majorité. La manifestation de volonté devient une condition nécessaire à l’acquisition de la nationalité française au titre de la naissance et de la résidence en France.
En 1998, la loi du 16 mars relative à la nationalité supprime la manifestation de volonté. L’enfant né en France de parents étrangers nés à l’étranger acquiert automatiquement la nationalité française à sa majorité, sans avoir à en manifester la volonté dès lors qu’il réside en France à cette date et qu’il a eu sa résidence habituelle en France pendant une période continue ou discontinue d’au moins cinq années entre l’âge de 11 ans et de 18 ans.
Pour ce même enfant, il devient possible de demander d’acquérir la nationalité française de façon anticipée : soit à 16 ans, de sa propre initiative, soit dès l’âge de 13 ans si ses parents en prennent l’initiative avec son consentement.
En 2003, la loi du 26 novembre renforce les conditions pour acquérir la nationalité française en posant que “nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française”. Ces exigences sont accrues par la loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité du 16 juin 2011 qui marque le retour à une conception élective et volontariste du droit de la nationalité.
Les candidats à la naturalisation doivent avoir une connaissance suffisante de l’histoire, de la culture et de la société françaises, signer une charte des droits et des devoirs et adhérer “aux principes et aux valeurs essentiels de la République”.
En outre, la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration donne un caractère solennel à l’acquisition de la nationalité française. Désormais, le représentant de l’État dans le département doit organiser, dans un délai de six mois à compter de l’acquisition de la nationalité française, une cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française pour les personnes résidant dans le département.
Parallèlement, les conditions exigées pour l’acquisition de la nationalité française à raison du mariage sont progressivement durcies. La loi du 24 juillet 2006 porte à quatre ans à compter de la date du mariage le délai requis pour une déclaration de nationalité à condition que “la communauté de vie tant affective que matérielle” n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage.
Deux voies pour devenir français
par attribution en vertu du droit du sang ou par l’effet du double droit du sol. Le droit du sang est établi par l’article 18 du code civil, qui dispose : “Est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français.” Pour ce qui est du double droit du sol, l’article 19-3 du code civil dispose : “Est français l’enfant né en France lorsque l’un de ses parents au moins y est lui-même né.” Dans des cas exceptionnels (enfant né de parents inconnus ou apatrides), un droit du sol pur permet d’attribuer la nationalité française sans autre condition que la naissance sur le sol français ;
par acquisition. Un étranger peut acquérir la nationalité française soit au titre de la naissance et de la résidence en France, soit en raison de son mariage avec un conjoint français, soit en raison d’une décision de l’autorité publique au terme d’une procédure de naturalisation. Pour demander la naturalisation, il faut avoir 18 ans, résider en France depuis 5 ans, être de bonnes vie et mœurs, justifier de son intégration dans la communauté française (connaissance de la langue, etc.). Dans les cas d’acquisition de la nationalité française à raison du mariage ou d’une décision administrative, le gouvernement conserve un pouvoir d’opposition “pour indignité ou défaut d’assimilation”, autre que linguistique.
Les débats sur la binationalité et la déchéance de nationalité
Les nombreuses interventions législatives sur le droit de la nationalité n’ont pas épuisé les sujets de débat.
Depuis la loi du 16 mars 1998, l’article 25 du code civil, qui concerne la déchéance de nationalité, est ainsi rédigé : “L'individu qui a acquis la qualité de Français peut, par décret pris après avis conforme du Conseil d’État, être déchu de la nationalité française, sauf si la déchéance a pour résultat de le rendre apatride :
S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit constituant une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou pour un crime ou un délit constituant un acte de terrorisme ;
S’il est condamné pour un acte qualifié de crime ou délit prévu par le chapitre II du titre III du livre IV du code pénal ;
S’il est condamné pour s’être soustrait aux obligations résultant pour lui du code du service national ;
S’il s’est livré au profit d’un État étranger à des actes incompatibles avec la qualité de Français et préjudiciables aux intérêts de la France."
En conséquence, la déchéance de nationalité ne peut concerner que les personnes qui ont une double nationalité (la déchéance étant exclue si elle a pour résultat de rendre apatride). En outre, elle ne peut être prononcée que si les faits reprochés se sont produits avant l’acquisition de la nationalité française ou dans un délai de dix ou quinze ans à compter de la date de cette acquisition. Enfin, elle s’écarte du principe selon lequel les personnes ayant acquis la nationalité française se trouvent dans la même situation juridique que les Français de naissance.
Ce principe est rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 juillet 1996 : “au regard du droit de la nationalité, les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation.”
Dans cette même décision, le Conseil tolère l’extension de la déchéance de nationalité aux actes de terrorisme en raison de la gravité de ces actes, laissant ainsi penser qu’il pourrait déclarer inconstitutionnel un texte qui élargirait de façon excessive les possibilités de prononcer une déchéance de la nationalité française.
En 2010, le président de la République Nicolas Sarkozy a notamment annoncé son souhait d’étendre le nombre d’infractions qui autorisent la déchéance de nationalité pour les Français d’origine étrangère. Lors du débat parlementaire sur le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, l’Assemblée nationale a voté, dans le sens des propositions du président de la République, un amendement prévoyant la déchéance de nationalité pour les personnes d’origine étrangère condamnées pour crimes ou violences ayant entraîné la mort de dépositaires de l’autorité publique. Cette disposition a été rejetée par le Sénat et ne figure donc pas dans la loi promulguée le 16 juin 2011.
Promis lors de la réunion du Congrès à Versailles, au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, par le président de la République François Hollande, le projet de loi de révision constitutionnelle du 23 décembre 2015 prévoit qu’une personne née française qui détient une autre nationalité peut être déchue de la nationalité française lorsqu’elle est condamnée pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la nation et même d’inscrire la déchéance de la nationalité dans la Constitution. Ce projet suscite des débats dans toutes les formations politiques et entraîne la démission de la garde des Sceaux, Christiane Taubira. Finalement, le projet est abandonné en mars 2016.
Un autre débat a porté, en juin 2011, sur la double nationalité à la suite de l’envoi, par Marine Le Pen, présidente du Front national, d’une lettre aux 577 députés leur demandant d’interdire la double nationalité. La responsable politique y assimile la double nationalité à une double allégeance susceptible de miner “les fondements de l’action de l’État”.
Or, depuis 1973, l’acquisition de la nationalité française n’est plus subordonnée à la renonciation à la nationalité étrangère. Certains États, comme le Maroc ou Israël par exemple, n’autorisent pas la renonciation à cette nationalité. D’autres, comme les Pays-Bas, retirent la nationalité à des nationaux qui ont acquis une autre nationalité. Considérant que la nationalité est d’abord une question de souveraineté et que mettre une condition exclusive à l’acquisition de la nationalité française revient à se soumettre à la loi d’un État étranger, la France accepte traditionnellement la binationalité.
Néanmoins, dans un rapport rédigé en conclusion d’une mission d’information parlementaire sur le droit de la nationalité en France, dans le cas de l’acquisition de la nationalité française par mariage ou procédure de naturalisation, Claude Goasguen propose de subordonner cette acquisition à la renonciation expresse du demandeur à sa nationalité étrangère sauf si la législation de son pays d’origine empêche l’abandon de nationalité.
En revanche, le chercheur Patrick Weil, auditionné par la mission d’information, considère qu’il ne faut pas remettre en cause la double nationalité qui est un facteur d’intégration et un instrument du rayonnement de la France.
Une situation spécifique pour Mayotte
La loi du 10 septembre 2018 instaure une dérogation au principe du droit du sol dans le département de Mayotte : un enfant né de parents étrangers ne peut acquérir la nationalité française à la majorité qu’à la condition expresse que l’un de ses parents ait résidé en France de manière régulière et ininterrompue pendant plus de trois mois avant sa naissance.
Le Conseil constitutionnel a validé ces dispositions, dérogatoires au droit commun, en s’appuyant sur l’article 73 de la Constitution, selon lequel, dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements “peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités”.
Source: www.vie-publique.fr
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