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Pourra-t-on bientôt souffler pour se faire dépister, comme dans un éthylotest ?

Détecter le Covid-19 en faisant souffler le patient dans une machine, à la manière d’un éthylotest ? C’est le projet mené par une équipe de scientifiques français à Lyon (Rhône-Alpes).



Cette technique pourrait révolutionner le dépistage et améliorer la lutte contre la pandémie. Entretien avec Mathieu Riva, chercheur au CNRS, membre de l’équipe ayant mis en place cet essai clinique.


Le dépistage du Covid-19 est (peut-être) sur le point d’être chamboulé. À Lyon (Rhône-Alpes) une importante étude baptisée COVIDAir est actuellement menée par l’Institut des agents infectieux des Hospices civils de Lyon, l’Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement (IRCELYON) du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l’Institut des sciences analytiques (ISA).


Leur objectif ?


Identifier et quantifier les molécules présentes dans un échantillon d’air afin de détecter les personnes atteintes du Covid-19. Pour cela, des centaines de volontaires se font actuellement dépister en… soufflant dans une imposante machine à la pointe de la technologie : un spectromètre de masse.


Matthieu Riva, chargé de recherche au CNRS, membre de l’équipe ayant mis en place cet essai clinique, répond à nos questions.



Matthieu Riva, le projet COVIDAir, c’est quoi ?


C’est une étude clinique qu’on a commencée à la suite de la crise du Covid-19 et du premier confinement en 2020. Elle consiste à développer une nouvelle méthodologie de diagnostic du virus en se basant sur l’air expiré par les patients. Pour mener à bien ce process nous utilisons un spectromètre de masse.


Comment cette dernière fonctionne-t-elle ?


Nous analysons de l’air expiré. Lorsque nous respirons, l’oxygène présent dans l’air est inspiré et passe dans le sang. Dans l’autre sens, il y a tout un tas de composés organiques volatils qui vont être également rejetés dans l’air.


Un virus impacte ces composés et va changer la composition des d’émissions d’air rejetées par une personne. Dans le cas du Covid-19, on ne va pas voir le virus en lui-même en analysant l’air expiré, mais on va pouvoir assister à une modification des émissions de certains composés à cause de la présence du virus.


Comment arrivez-vous à mesurer ces changements, invisibles à l’œil nu ?


On utilise la spectrométrie de masse en ligne. C’est une technique analytique qui permet d’identifier les composés de l’air en les pesants. Chaque molécule a un poids bien particulier et le spectromètre de masse va pouvoir peser de manière très précise, en une seconde, des milliers de molécules.


Cet outil est le fruit de vingt ans de recherche et est à la pointe de la technologie actuelle. Grâce à lui, on atteint un degré de précision remarquable et il permet de s’affranchir de nombreux biais qui étaient présents avant comme l’impact de l’humidité relative.


Quels sont les avantages de cette nouvelle technique ?


L’avantage numéro un est que cette méthode est non invasive. On souffle juste comme un éthylotest. Il n’y a pas de corps étranger qui rentre dans le nez. Autre point positif : le diagnostic est très rapide. Un patient souffle en moyenne 20 à 30 secondes et le résultat est donné directement sur place, dans les 10 secondes suivant le test. Cela pourrait drastiquement raccourcir les délais par rapport aux autres tests déjà existants.


Quel est le coût de ce test ?


L’instrument représente un important investissement au départ, mais le coût de fonctionnement est minime. La seule chose à changer entre chaque patient, c’est l’embout buccal. On est à un coût de l’ordre de quelques centimes, hors amortissement de la machine.


À titre de comparaison, pour un test PCR classique, les réactifs à eux seuls coûtent 30 €. Je pense qu’on sera dans tous les cas à un coût inférieur par rapport à ce qui existe aujourd’hui : ce sera plus rapide, moins cher et moins invasif.


Cette nouvelle technique est-elle fiable pour dépister le Covid-19 ?


La première étude réalisée de mai à septembre 2020 présente un taux de fiabilité de l’ordre de 95 %. La deuxième phase qui est en cours à Lyon passe au niveau supérieur avec l’échantillonnage de près de 5 000 personnes. On ne peut pas encore communiquer de chiffres car on n’a pas encore eu les résultats PCR des volontaires. Ces tests sont nos mètres étalons. Ils nous permettent d’avoir un outil de comparaison.



Quel est le pourcentage de fiabilité pour estimer que cette technique est efficace ?


On ne pourra pas être plus fiable que le PCR, car on se compare aux données issues de ces tests. L’idée c’est d’avoir un taux le plus important possible. Si la fiabilité est supérieure à 90 % par rapport à l’étalon PCR, avec le gain de rapidité notable, je pense que ça pourrait commencer à être intéressant. Si on n’est qu’à 50 %, je suis plus sceptique sur l’intérêt de ce dépistage rapide.


Existe-t-il des risques de faux positifs avec cette méthode ?


On peut en avoir si des gens présents dans l’échantillonnage ont d’autres virus pulmonaires et que ces derniers impactent de la même façon que le Covid-19. Sur la première phase de l’étude, on était moins de 1 % de cas faux positif.


Cette technique peut-elle avoir d’autres finalités que le dépistage du Covid-19 ? Peut-elle aider à dépister d’autres maladies ?


C’est l’un objectif qu’on a, oui. On pourrait imaginer qu’avec cette machine-là, une fois qu’on aura identifié les composés d’air comme marqueurs de telle ou telle maladie, on pourra souffler dans l’instrument et avoir un diagnostic pluri-pathologique.


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